Groenland : la pêche à l’heure du numérique

Plusieurs centaines de pêcheurs débarquent quotidiennement leurs prises dans l’une des usines de Royal Greenland situées sur la côte occidentale du Groenland. Chaque campagne de pêche s’achève sur des opérations qui occasionnent souvent de longues files d’attente : le pêcheur amène son bateau à quai, contacte l’équipe en charge du débarquement, remplit les formalités administratives et attend que sa pêche soit pesée puis enregistrée.

En 2019 Royal Greenland a souhaité améliorer les services offerts à ses nombreux pêcheurs en accélérant l’enregistrement. À cette fin, la division informatique a organisé des ateliers et cartographié toutes les étapes du processus sans négliger la discussion avec les pêcheurs et les experts-conseils. Le développement d’une application mobile de gestion de débarquement des prises a alors pu démarrer. 

Une solution axée sur la facilité d’emploi et la sécurité des données

Lars Bo Hassinggaard, responsable du groupe informatique de Royal Greenland, revient sur les deux années qui se sont écoulés depuis la genèse du projet jusqu’à sa mise en œuvre : « Une entreprise moderne de production alimentaire traite de nombreuses données et enregistre de nombreux volumes. Ces opérations font l’objet d’un soin particulier qui nécessite une approche globale des processus. La première étape consiste à enregistrer dans l’application la prise du pêcheur, sa position, sans oublier sa zone de pêche. Sur le quai, les dockers chargés du débarquement assurent la pesée, l’enregistrement et le contrôle qualité. Ces données sont ensuite saisies dans une application web et transmises aux systèmes informatiques sous-jacents. De là, elles sont envoyées aux autorités de contrôle des licences de pêche du Groenland (GFLK). Finalement, chaque pêcheur reçoit directement sur son portable un relevé détaillant la valeur et le poids de sa prise. »

Lars Bo se félicite du retour positif des pêcheurs qui ont adhéré au système : « Cette nouvelle application facilite la vie de nos fournisseurs, c’est notre plus belle réussite. De plus, elle nous aide à rationaliser nos processus de travail en réduisant le nombre d’erreurs. »

Après le scepticisme, l’enthousiasme

L’application a été conçue spécialement pour la pêche côtière (petits bateaux et dinghies). 35 pêcheurs sont aujourd’hui enregistrés à Ilulissat. Henrik Jensen est l’un d’entre eux. Pour la pêche, il utilise un dinghie. Depuis novembre, il suit la mise en œuvre de l’application et a notamment apporté son aide pendant la phase initiale du projet. Il a su profiter de cette opportunité :

« Au début, je n’y croyais pas vraiment, je ne voyais pas trop l’intérêt d’une application, mais aujourd’hui, je sais m’en servir », se réjouit-il. Il ajoute : « Finis le bureau d’enregistrement des pêches et les démarches administratives. Je rentre au port, je décharge puis je file directement à la maison. Peu de temps après, je reçois les résultats de ma pêche, je sais alors combien j’ai gagné. Je peux suivre l’évolution de mes captures, c’est motivant, et tout cela sans paperasse ! L’application assure un suivi continu de toutes les pêches, tous les relevés y sont conservés au même endroit. On peut donc les envoyer au comptable ou à l’administrateur directement depuis son portable. »

Henrik a également contribué à améliorer l’application en l’adaptant à ses besoins de pêcheur : « J’ai ainsi suggéré d’y inscrire les numéros de téléphone des personnes qui réceptionnent le poisson. L’idée était de centraliser le plus d’informations possible au même endroit », indique-t-il.

Henrik Jensen, qui pêche depuis un zodiac, est déjà fan de l'application : « Je n'ai pas besoin de me rendre à la station de débarquement pour les tâches administratives. J'entre dans le port avec ma prise et je rentre directement chez moi. Je reçois ensuite les résultats et la valeur de ma prise. »

Satisfaction des équipes

Maren Jensen, contremaitre sur le terminal portuaire, et Freyja Jensen, membre du service administratif en charge du débarquement des captures pour Royal Greenland à llulissat, confirment que les pêcheurs sont satisfaits de cette application : « Cela fonctionne vraiment bien. C’est une vraie avancée, car les pêcheurs ne sont plus obligés d’aller au port, ils ont juste à débarquer la pêche. Nous nous chargeons du reste : réception, pesée, calibrage. Ensuite, nous saisissons nos propres données. Les pêcheurs peuvent se consacrer à d’autres tâches : nettoyer le bateau et se préparer pour le prochain départ. C’est un gain de temps pour tout le monde », souligne Maren Jensen, qui s’est impliqué dans le développement de l’application pendant six mois environ.

Freyja Jensen concède quelques erreurs dans la saisie manuelle des données : « Les formulaires remplis à la main étaient parfois difficiles à lire. La saisie et la vérification des données ont pris beaucoup de temps. Aujourd’hui, il suffit de rentrer le poids et la qualité. L’application et le système se chargent du reste. »

Un nombre croissant d’utilisateurs

Edvard Olsen, consultant en pêche à Ilulissat, est satisfait de la mise en œuvre du système. Il suit son développement depuis février 2019 : « J’ai participé à un atelier à Aarhus, c’est réjouissant de voir que cette solution rencontre un écho aussi positif. Pour l’heure, nous recensons 35 inscriptions, mais en haute saison pas moins de 100 pêcheurs devraient utiliser cette application rien qu’à Ilulissat, et l’intérêt est palpable. »

Il confie que les premiers intéressés étaient surtout de jeunes pêcheurs : « Les anciens sont un peu plus réticents, mais nous sommes confiants : une fois qu’ils auront vu à quel point ce système est simple, ils se lanceront. Les pêcheurs sont toujours curieux de connaitre de leur volume de pêche, et ils aiment savoir combien ça leur rapporte. C’est l’outil de demain. Je suis très fier que Royal Greenland ait mis au point cette application. »

Selon Lars Bo Hassinggaard, cette application est l’outil de gestion du futur pour de nombreux pêcheurs, elle va être déployée ailleurs sur la côte. « Nous comptons inclure les pêcheurs de Uummannaq en janvier-février puis viendra le tour d’Upernavik. Nous travaillons d’arrache-pied pour déployer ce dispositif sur toute la côte, mais le Groenland est vaste, confesse Lars Bo Hassinggaard, sourire aux lèvres, ne l’oublions pas. »